
On n’a pas fini de parler de la réforme éducative, tout en ressassant les mêmes idées et projets. Cela fait cinq fois, depuis l’indépendance, que l’on réveille ces vieux démons, sans venir à bout des problèmes et failles dont souffre l’actuel système éducatif en Tunisie. Et pourtant, le débat continue.
Dans le droit fil de ces réflexions, le Centre international de formation des formateurs et d’innovation pédagogique (Ciffip) a organisé, lundi, à son siège aux Berges du Lac, à Tunis, en collaboration avec Expertise France, un colloque international intitulé « Le manuel scolaire : redéfinition et nouveaux usages dans un écosystème éducatif en mutation ». Car, ce boom aussi bien technologique que numérique avait tout chamboulé, révolutionnant ainsi les outils et moyens pédagogiques, à même de changer la donne éducative.
Un lourd fardeau scolaire !
C’est que trois jours durant — et jusqu’à la clôture aujourd’hui — enseignants, pédagogues et inspecteurs sont en conclave, afin de repenser les manuels scolaires, de sorte qu’ils répondent aux nouvelles exigences de l’époque actuelle et s’adaptent mieux aux capacités intellectuelles de l’élève. Ce dernier étant, toujours, considéré comme l’axe central de l’opération éducative. Soit la fin et la finalité de tout projet de réforme de l’école. Cette école publique qui n’est plus ce qu’elle était, au temps de Bourguiba, le père fondateur.
Qu’en reste-il aujourd’hui? L’apprenant a aujourd’hui du mal à supporter un lourd fardeau scolaire, sur fond de cours condensés, de programmes éducatifs trop chargés et de manuels scolaires parfois mal conçus. Soit un système pédagogique qui s’en tient juste au bourrage de crâne, sans ajouter rien de plus. A cela s’ajoute un plein temps scolaire pendant lequel l’élève est confiné dans une classe quasi saturée. Ce qui suscite chez lui ennuis, déconcentration et incompréhension. En vérité, tout cela est dû à un vieux modèle d’enseignement qui demeure limité, injuste et inadapté.
D’ailleurs, l’actuel ministre de tutelle, Noureddine Nouri, est, on ne peut plus, clair et direct, avouant que « le système éducatif en Tunisie connait une faible productivité notamment au niveau des méthodes d’enseignement, du contenu des programmes, des mécanismes d’évaluation et du temps scolaire, malgré les réalisations accomplies dans ce secteur ». Alors, repenser nos manuels scolaires et leurs nouveaux usages constitue un des volets fondamentaux du projet de réforme éducative, maintes fois annoncés sans être traduits dans les faits.
Rompre avec le modèle traditionnel
Et là, l’on peut dire que le Ciffip, de par l’organisation de ce colloque, est entré dans le vif du sujet. Son thème s’inscrit dans le cadre du Projet d’appui au renforcement des compétences linguistiques des élèves tunisiens (Parle), visant à les initier à l’art de la communication et à l’animation. Soit faire de l’apprenant un animateur de classe, ce qui lui facilitera la compréhension et puis renforcera son assiduité. Et pour cause. Autant de spécialistes en éducation venant d’Algérie, du Maroc, de France, de Belgique et de Tunisie ont engagé, ces jours-ci, un large débat sur cette question.
Le directeur du Ciffip, Zakaria Dassi, a précisé que des conférences et des ateliers bien animés se sont ainsi focalisés sur des thématiques essentiellement liées à la promotion du manuel scolaire en Tunisie et à l’amélioration de sa qualité tant au niveau de la forme que du contenu. La raison invoquée, à ses dires, est que ce manuel fait toujours face à plusieurs défis, n’étant plus conforme aux besoins en apprentissage moderne.
Certes, ce débat autour du manuel scolaire est parti du fait que la Tunisie a déjà à son actif une expérience en la matière. Sauf que, regrette Fethi Tahri, chercheur en sciences de l’éducation, « nos manuels scolaires actuellement disponibles ne sont plus des meilleures références pour être réutilisées dans leur intégralité. Ils nécessitent plutôt un surcroît d’efforts et de mûre réflexion pour retrouver leur place dans le cursus éducatif ».
De quoi le projet « Parle » tire toute sa légitimité, étant donné qu’il vise à former des compétences tunisiennes en matière de conception de livres et de contenus éducatifs censés rompre avec le modèle traditionnel, outre l’apprentissage de la langue arabe et française. Pour ce faire, ce projet triennal 2024-2026, mis en œuvre par France Expertise, en partenariat avec l’Union européenne et l’Agence française de développement (AFD), a déjà mobilisé une enveloppe de l’ordre de 47 millions de dinars, en vue de contribuer à la modernisation du secteur éducatif tunisien.
Toutefois, le développement du contenu des manuels scolaires ne suffit pas à lui seul pour faire de l’école tunisienne un vivier de formation et de talents. Une réforme éducative de fond en comble s’avère, plus que jamais, incontournable. Car l’éducation des générations demeure tout un projet de société.